A propos du Dr Samah Jabr. Nota bene

Dans le livre « Derrière les fronts : chroniques d’une psychiatre psychothérapeute palestinienne sous occupation » du Dr Samah Jabr.
Co-éditions PMN & Hybrid pulse (2017)

Difficile pour moi de ne pas avoir un rapport ambivalent avec "l'intellectuel » : attraction du savoir mais méfiance vis-à-vis d'individus, souvent proches des pouvoirs, souvent en surplomb ou du moins en décalage, parfois se satisfaisant d'être incompréhensibles, tout en performant la transgression.

Samah Jabr n’est pas l'exact oppose de cette figure : mais sa révolution.
J'ai assiste à plusieurs de ses interventions publiques, avec dans l'audience des gens qui n'étaient pas des universitaires. Ils avaient peur de ne pas comprendre parce qu'elle allait parler de psychothérapie. Ils venaient à la fin la saluer chaleureusement précisant qu’ils avaient tout compris, heureux de se sentir inclus comme faisant parti de ce cadre de transmission de savoir et bienvenus grâce aux choix des formulations adoptées et des discours les concernant.

Ses écrits ne s'adressent pas à des puissants qu'elle souhaiterait convaincre de sa légitimité.

Pourquoi ses chroniques ont-elles été reprises au-delà de la sphère pro-palestinienne, sur des sites internet musulmans, libertaires, chrétiens, syndicaux, anarchistes, queer ? La clarté de son propos est une nouvelle boussole pour qui navigue dans les eaux troubles de la résistance contre le colonialisme et plus largement contre la domination.

Samah travaille, écoute, soigne, enseigne et finit par écrire, par l'écrire. Son témoignage et ses théories découlent d’interactions vécues, expérimentées, ressenties.

Pourquoi est-elle révolutionnaire ? Pourtant, elle n'affiche aucune affiliation politique particulière : quoiqu’elle montre une capacité à défier et critiquer toute structure ou institution qui participe au maintien de l'oppression.

Elle en appelle à une nouvelle éthique, en tant que professionnelle de la santé mentale et sujet spirituel et politique.
Elle en appelle à la fin de la colonisation certes, mais plus encore à la fin d'une oppression intériorisée au niveau individuel et collectif.

Son écriture est comme un regard franc, déterminé et doux. Ses mots sont ciselés, choisis et économisés - elle n'a pas le temps, car le temps aussi est volé par l’occupation.

Alors elle témoigne, pour organiser ses idées dit-elle, passé du statut de « suspecte » assigné par l’ordre colonial à celui de témoin de son temps.

Et c'est un honneur et plus encore une responsabilité pour nous aujourd'hui d'avoir eu sa confiance pour l'aider à rendre encore plus visible son appel à la Libération et au soulèvement des esprits.

portrait 1 Jabr ©Dols
portrait 2 ©Camille Millerand

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